L’Interculturel en tant que Charnel*
Choisissant de voir dans la pratique de la langue française le
développement d’une activité interculturelle, on ne peut que constater que le
développement parallèle d’une activité psychique où domine la mémoire vue comme
un réseau d’amour, de regard éternel. Dans ce cadre, une suite logique
est : Je parle-je me souviens-je
vois-j’éprouve.
Par rapport à la procédure pédagogique, cette suite logique Je parle-je me souviens-je vois-j’éprouve,
est très importante pour que les élèves comprennent qu’ils font part d’un monde
plus grand qu’exclusivement grec, plus fascinant que monotone ou univoque. Il
n’y a rien du bien neuf à ajouter ici, mais c’est bon de rattraper le temps
perdu, c’est-à-dire la mémoire, le désir du futur. La mémoire dont la base est
l’interculturel, est plus proche du mélange, de la créativité et de la pensée
anthropologique. En fait, « tout progrès culturel est fonction d’une
coalition entre les cultures »[1].
Cette maxime de Lévi-Strauss nous encourage à avancer à l’interaction de la
culture grecque et française.
Question purement rhétorique : est-ce que le français signifie que l’occasion
d’habiter ce monde entre regard et mémoire n’est pas encore perdue ?
Cette question relancée d’h a b i t e
r le français provient du monde contemporain : les priorités
d’aujourd’hui par rapport à la technologie et les entreprises multinationales
-d’un coté- font les élèves esclaves qui doivent assimiler et apprendre soit
plus vite, soit plus complexe. En y regardant, donc, de plus près, on ne peut
que remarquer que le français, dans l’entourage scolaire, fonctionne comme une
« réhabilitation du mythe par la modernité »[2] :
en effet, la possibilité de mettre le français dans l’esprit de la
communication scolaire et surtout dans celui de la nécessité humaine, cultive
l’imagination des élèves et les aide en ce qui concerne leur vie
professionnelle et leurs rapports humains. Je voudrais ici souligner que
l’interculturel vu comme « combustible » ou « noyau » du
français décrypte sa force réelle. C’est l’esprit de la philosophie, de
l’anthropologie qui le perfore.
D’ailleurs, il y en a plus. Choisissant de voir l’Interculturel en tant que
Charnel signifie qu’on s’approche du français comme une expérience privilégiée
qui ne consiste pas des éléments fragmentaires mais synthétiques. La question
dans ce champ est comment les deux pôles- grec et français- vont se rejoindre,
se reconnaître.
Réponse pour atteindre le but de notre question: à travers le jeu
pédagogique qui est la base de chaque procédure humaine et date d’antan.
Car, puisque l’élève sort de ses clouages, de sa dépendance à l’anglais
comme langue principale chez nous, il parcourt des autres itinéraires avec
leurs possibilités : donc, le français l’aide à « s’ouvrir au soi
d’un autre pôle (et a fortiori à un
autre sujet humain)[3] ». Comme Jacob
Rogozinski souligne, -en appuyant sa pensée sur Husserl-, dans le cadre de la synthèse charnelle et du
« chiasme », les pôles n’existent plus, quand les impressions
singulières forment le chiasme- c’est-à-dire la pluralité et la synergie- en
supprimant la monotonie de la singularité. Son point de départ Husserlien qu’« entre les impressions de
chaque pôle, se crée (alors) une communauté de résonance», va plus loin vers la
réception des expériences sur et dans le « moi-chair ». On répète ses
paroles : « Alors que les micro impressions polaires sont à l’origine
de séquences temporelles plus ou moins brèves, de simples phases au sein du
flux, l’archi-impression où ces phases s’unifient est à l’origine du flux, lui-même. C’est ainsi que le chiasme charnel
se donne le temps. Tant que ma main droite ignorait ma main gauche, mes
impressions tactiles duraient aussi longtemps qu’elle parcourait la surface de
la table; dès qu’elle atteignait le bord, ces impressions sombraient dans le
passé. Mais voilà que les deux mains se révèlent comme deux pôles d’une seule
chair (..)»[4].
En guise de conclusion, on peut voir les deux pôles, grec et français,
comme deux mains d’une seule chair afin
de « prendre congé » du texte scolaire et mettre en place des
méthodes pédagogiques dont la base est l’interculturel et à travers le texte
pour que les élèves s’engagent et participent : le plaisir est un pari de
« subjectivité » à être gagné ! On termine avec la maxime de
Rogozinski : « ma subjectivité ne m’est pas donnée d’emblée, se
conquiert de haute lutte. (..). Aucun ego n’est jamais sujet. Il n’y a pas de
‘sujet’, il n’y a que des processus de subjectivation »[5].
[1] Claude Lévi-Strauss Race et histoire, Denoël, réédition 1987, isbn 92-3-202475-6 http://www.anthropomada.com/bibliotheque/LEVI-STRAUSS%20Claude%20-%20Race%20et%20histoire.pdf
[2] Danièle Chauvin « Le
livre et le mythe » dans Mythe et
Modernité ; Actes du Colloque International Thessalonique 31 octobre-
2 novembre 2002, édition du Laboratoire
de Littérature Comparée Thessalonique 2003, p. 187.
[3] Jacob Rogozinski Le moi
et la chair, introduction à l’ego-analyse, les éditions du Cerf, Paris 2006,
p. 174.
[4] Jacob Rogozinski Le moi
et la chair, introduction à l’ego-analyse, les éditions du Cerf, Paris 2006,
p. 178.
[5] Op, cit. p. 179.
*part du séminaire Créer des itinéraires présenté à I.F.A Athènes, par Photini Papariga et moi, le 6 Septembre 2013
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