11.9.13

L’Interculturel en tant que Charnel



L’Interculturel en tant que Charnel*

Choisissant de voir dans la pratique de la langue française le développement d’une activité interculturelle, on ne peut que constater que le développement parallèle d’une activité psychique où domine la mémoire vue comme un réseau d’amour, de regard éternel. Dans ce cadre, une suite logique est : Je parle-je me souviens-je vois-j’éprouve.

Par rapport à la procédure pédagogique, cette suite logique Je parle-je me souviens-je vois-j’éprouve, est très importante pour que les élèves comprennent qu’ils font part d’un monde plus grand qu’exclusivement grec, plus fascinant que monotone ou univoque. Il n’y a rien du bien neuf à ajouter ici, mais c’est bon de rattraper le temps perdu, c’est-à-dire la mémoire, le désir du futur. La mémoire dont la base est l’interculturel, est plus proche du mélange, de la créativité et de la pensée anthropologique. En fait, « tout progrès culturel est fonction d’une coalition entre les cultures »[1]. Cette maxime de Lévi-Strauss nous encourage à avancer à l’interaction de la culture grecque et française.   

Question purement rhétorique : est-ce que le français signifie que l’occasion d’habiter ce monde entre regard et mémoire n’est pas encore perdue ?

Cette question relancée d’h a b i t e r le français provient du monde contemporain : les priorités d’aujourd’hui par rapport à la technologie et les entreprises multinationales -d’un coté- font les élèves esclaves qui doivent assimiler et apprendre soit plus vite, soit plus complexe. En y regardant, donc, de plus près, on ne peut que remarquer que le français, dans l’entourage scolaire, fonctionne comme une « réhabilitation du mythe par la modernité »[2] : en effet, la possibilité de mettre le français dans l’esprit de la communication scolaire et surtout dans celui de la nécessité humaine, cultive l’imagination des élèves et les aide en ce qui concerne leur vie professionnelle et leurs rapports humains. Je voudrais ici souligner que l’interculturel vu comme « combustible » ou « noyau » du français décrypte sa force réelle. C’est l’esprit de la philosophie, de l’anthropologie qui le perfore.

D’ailleurs, il y en a plus. Choisissant de voir l’Interculturel en tant que Charnel signifie qu’on s’approche du français comme une expérience privilégiée qui ne consiste pas des éléments fragmentaires mais synthétiques. La question dans ce champ est comment les deux pôles- grec et français- vont se rejoindre, se reconnaître.
Réponse pour atteindre le but de notre question: à travers le jeu pédagogique qui est la base de chaque procédure humaine et date d’antan.

Car, puisque l’élève sort de ses clouages, de sa dépendance à l’anglais comme langue principale chez nous, il parcourt des autres itinéraires avec leurs possibilités : donc, le français l’aide à « s’ouvrir au soi d’un autre pôle (et a fortiori à un autre sujet humain)[3] ». Comme Jacob Rogozinski souligne, -en appuyant sa pensée sur Husserl-,   dans le cadre de la synthèse charnelle et du « chiasme », les pôles n’existent plus, quand les impressions singulières forment le chiasme- c’est-à-dire la pluralité et la synergie- en supprimant la monotonie de la singularité. Son point de départ  Husserlien qu’« entre les impressions de chaque pôle, se crée (alors) une communauté de résonance», va plus loin vers la réception des expériences sur et dans le « moi-chair ». On répète ses paroles : « Alors que les micro impressions polaires sont à l’origine de séquences temporelles plus ou moins brèves, de simples phases au sein du flux, l’archi-impression où ces phases s’unifient est à l’origine du flux, lui-même. C’est ainsi que le chiasme charnel se donne le temps. Tant que ma main droite ignorait ma main gauche, mes impressions tactiles duraient aussi longtemps qu’elle parcourait la surface de la table; dès qu’elle atteignait le bord, ces impressions sombraient dans le passé. Mais voilà que les deux mains se révèlent comme deux pôles d’une seule chair (..)»[4].

En guise de conclusion, on peut voir les deux pôles, grec et français, comme deux mains d’une seule chair afin de « prendre congé » du texte scolaire et mettre en place des méthodes pédagogiques dont la base est l’interculturel et à travers le texte pour que les élèves s’engagent et participent : le plaisir est un pari de « subjectivité » à être gagné ! On termine avec la maxime de Rogozinski : « ma subjectivité ne m’est pas donnée d’emblée, se conquiert de haute lutte. (..). Aucun ego n’est jamais sujet. Il n’y a pas de ‘sujet’, il n’y a que des processus de subjectivation »[5].

   



[1] Claude Lévi-Strauss Race et histoire, Denoël, réédition 1987, isbn 92-3-202475-6 http://www.anthropomada.com/bibliotheque/LEVI-STRAUSS%20Claude%20-%20Race%20et%20histoire.pdf
[2] Danièle Chauvin « Le livre et le mythe » dans Mythe et Modernité ; Actes du Colloque International Thessalonique 31 octobre- 2 novembre 2002, édition du Laboratoire de Littérature Comparée Thessalonique 2003, p. 187.
[3] Jacob Rogozinski  Le moi et la chair, introduction à l’ego-analyse, les éditions du Cerf, Paris 2006, p. 174.
[4] Jacob Rogozinski  Le moi et la chair, introduction à l’ego-analyse, les éditions du Cerf, Paris 2006, p. 178.
[5] Op, cit. p. 179.


*part du séminaire Créer des itinéraires présenté à I.F.A Athènes, par Photini Papariga et moi, le 6 Septembre 2013 

No comments:

Post a Comment